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Jouer la carte du bio

La demande en semences bio augmente avec un marché du bio en hausse, mais surtout parce que, une à une, les cultures certifiées AB sont obligées d’en utiliser.

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L’essor des cultures bio a un impact direct sur l’évolution de la production de semences bio. Il y a une quinzaine d’années, quelques semenciers comme Lemaire Deffontaines ou Semences de l’Est avaient repéré le bio comme un créneau presque de niche et s’en étaient fait une spécialité. Depuis, ils ont été rejoints petit à petit par de nombreux sélectionneurs et établissements producteurs de semences. « Entre 2015 et 2020, le nombre d’entreprises productrices de semences bio a doublé pour passer de 65 à 126, constate Philippe Silhol, chef du service statistiques au Gnis. Dans le même temps, le nombre d’agriculteurs multiplicateurs a été multiplié par deux et demi, puisqu’il a grimpé de 1 260 en 2015, à 2 920 en 2020. »

Il faut dire que les surfaces consacrées au bio en France ont fait un bond de 70 % depuis 2015, et ont été multipliées par quatre depuis quinze ans. Surfaces en conversion comprises, le bio est passé de 530 000 ha en France en 2004 à 2,24 Mha en 2019, selon l’Agence Bio, soit 8,5 % de la SAU. De nombreuses structures coopératives ou négociants classiques se sont impliqués dans le bio alors qu’il y a encore quelques années, la distribution et la collecte étaient assurées par un nombre limité d’entreprises spécialisées.

Un bond de près de 28 % en 2020

Les céréales à paille, tirées par le blé tendre, arrivent toujours en tête des semences bio dans l’Hexagone, avec 9 060 ha de multiplication en 2020. Elles continuent à progresser de 25 % cette année par rapport à 2019. « Désormais, les entreprises proposent des semences bio dans pratiquement toutes les espèces, y compris le lin et les betteraves, reconnaît le responsable du Gnis. Et à l’exception d’espèces mineures, la production de semences sur notre territoire répond bien à la demande des filières. » Toutes espèces confondues, les surfaces de production de semences bio ont fait un bond de 27,9 % en 2020 (infographie p. 25) et ont plus que doublé en trois ans. Elles ont représenté cette année 17 822 ha, soit 4,7 % des 380 000 ha de surfaces de multiplication à l’échelle nationale. Ce chiffre peut paraître relativement bas, comparé aux 8,5 % de la SAU consacrée au bio, mais il faut se rappeler que plus de la moitié des semences produites en France sont destinées à l’exportation, et que les semences bio servent pour l’essentiel à approvisionner le marché français. En 2020, ce sont les surfaces d’oléagineux qui ont le plus progressé, de 57 %, notamment en tournesol, celles de maïs de 40 %, et de potagères, 41 %. « En fourragères, la production de semences bio a aussi été multipliée par trois entre 2015 et 2020, à 3 080 ha, et a progressé de 21 % cette année, précise le responsable du Gnis. Cette hausse est surtout liée à la production de semences de légumineuses, en particulier de luzerne. La production de semences de graminées bio reste un de nos points faibles. »

Forte demande en maïs et tournesol

Le tournesol et le maïs font partie des cultures pour lesquelles le marché de conso bio est en plein boum. « La consommation de maïs bio continue à augmenter, elle est en hausse cette année de 24 %, précise Régis Hélias, ingénieur filière bio chez Arvalis. La France produit 102 000 t de maïs bio par an, mais ne couvre pas ses besoins, elle doit en importer environ 22 000 t cette année. » En tournesol aussi, la France a recours à des produits importés. « Le tournesol dans le monde, c’est l’équivalent de la surface de la France et moins de 1 % de ces superficies est implanté en bio, estime Pierre-Marie Decoret, en charge des études économiques pour le groupe Avril. La France et la Roumanie couvrent à elles deux 50 % du tournesol bio produit dans le monde. Malgré cela, la production française ne suffit pas à nos besoins. » Ce sont surtout les filières animales qui sont demandeuses de maïs et tourteaux de tournesol bio. Jusqu’à présent, l’alimentation animale bénéficiait d’une dérogation qui permettait aux fabricants d’introduire 5 % de produits non bio dans la composition des aliments. « Cette dérogation va prendre fin début 2021, ce qui va renforcer la demande en maïs bio comme en tourteaux de tournesol », ajoute Pierre-Marie Decoret. Le tournesol bio devrait continuer à progresser, d’autant que c’est une culture bien adaptée au bio, peu gourmande en azote, qui supporte bien le manque d’eau.

De moins en moins de dérogations

Pour expliquer l’accroissement de la demande en semences bio, l’essor du marché conso bio est une chose, mais le fait pour les agriculteurs bio d’être autorisés ou pas à utiliser des semences non bio joue aussi un grand rôle. « La réglementation impose l’utilisation de semences bio lorsqu’elles sont disponibles, mais accepte pour certaines espèces des dérogations, rappelle Philippe Silhol. Le nombre de cultures où les dérogations sont acceptées diminue tous les ans. Pour des espèces comme le blé, les pommes de terre ou le maïs, la dérogation n’est plus autorisée, sauf cas très particuliers, comme les variétés très tardives de maïs. » Une à une, les espèces perdent cette dérogation. Il est prévu que le soja passe en statut « hors dérogation » à partir du 1er janvier 2021, l’orge d’hiver, le seigle et le triticale en juillet 2021, et le tournesol au 1er janvier 2022. Ce qui devrait renforcer la demande en semences bio pour ces cultures.

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